Étape 3Les enjeux de la liberté d’expression

Introduction

L’exercice de la liberté d’expression s’accompagne couramment de restrictions – certaines jugées légitimes et acceptables, d’autres plus controversées. Elle fait aussi l’objet de répression, parfois sévère, allant jusqu’à la violence, l’emprisonnement, la stigmatisation, l’exclusion. Dans un premier temps, la présente étape aborde les formes de contrôle et de restrictions appliquées à la liberté d’expression. Elle présente des mécanismes et des stratégies de l’État ou d’acteurs privés pour prévenir ou réprimer la diffusion d’idées, de discours ou d’informations.

L’exercice de la liberté d’expression s’accompagne également de controverses pouvant être profondes et durables. En effet, l’expression qui requiert protection est précisément celle qui dérange et indispose, choque ou dégoûte. Il s’agit, pour reprendre les termes de la Cour suprême du Canada, d’« une garantie qui sert à protéger le droit de la minorité d’exprimer son opinion1 ». L’opinion majoritaire n’a pas besoin d’être protégée, étant celle qui est jugée « acceptable », « courante », « allant de soi ».

La Cour suprême et le discours « contestataire »

Dans un second arrêt, désormais célèbre, la Cour suprême du Canada a déclaré :

La liberté d’expression a été consacrée par la Constitution et garantie par la Charte québécoise pour assurer que chacun puisse manifester ses pensées, ses opinions, ses croyances, en fait toutes les expressions du cœur et de l’esprit, aussi impopulaires, déplaisantes ou contestataires soient-elles.

Cette protection est, selon les Chartes canadienne et québécoise, « fondamentale » parce que dans une société libre, pluraliste et démocratique, nous attachons une grande valeur à la diversité des idées et des opinions2.

Conséquemment, le principe de liberté d’expression implique : 1) de ne pas interdire indument les expressions qui se heurtent aux valeurs de la majorité; 2) de protéger ces expressions – et ceux qui les produisent et les diffusent – d’une répression injustifiée, soit par les pouvoirs publics soit par des personnes privées.

Les sensibilités religieuses, sociales et culturelles et politiques varient considérablement d’une société à l’autre et à l’intérieur même des sociétés, en fonction des milieux, des groupes et des époques. C’est pourquoi les frontières de la liberté d’expression doivent constamment être redéfinies. Cela entraîne des débats parfois vigoureux sur les zones de tolérance et d’intolérance vis-à-vis de discours qualifiés « d’extrêmes », de discriminatoires, de sexistes, de dégradants ou d’offensants3.

Nous ferons donc, dans un second temps, un survol de différents types de controverses liées à la liberté d’expression.

  1. R. c. Zundel, [1992] 2 R.C.S. 731.
  2. Irwin Toy c. Québec (procureur général), [1989] 1R.C.S. 927.
  3. Hare, Ivan et James Weinstein (dir.). (2008). Extreme speech and democracy. Oxford : Oxford University Press.